Était-ce une gelée de coing ? Un instant, je l'ai cru. C'était François Hollande. Il s'exprimait depuis l'Élysée. Flanquaient l'andouille, déguisés en journalistes, deux éboueurs municipaux, Bouleau et Pujadas, qui m'ont paru dubitatifs à maints endroits, voire ironiques par moments, dans leur attitude du moins.
Quand je vois François Hollande, lorsque je l'écoute, je n'arrive pas à croire que c'est là le président de la République. À chaque fois je me dis que c'est un gag et que va surgir des coulisses le régisseur plié en deux, accompagné du scénariste et d'une maquilleuse. Je dois me pincer pour y croire, et que cela fait deux ans qu'il usurpe la fonction, et qu'il en reste trois pour se débarrasser de l'âne, le renvoyer à son carré de trèfles.
Le bonhomme a autant de charisme qu'un trépied pour traire les vaches. Tout sonne faux chez lui, à commencer par la clarine. Tendu, pas à l'aise, la voix mal assurée. Il est sur la défensive en permanence, l'air d'attendre qu'on le gourmande, le traite d'imposteur, de manant, de turlupin, qu'une gifle méritée le jette à bas de son siège. C'est un peureux et cela se sent. Il essaie par moments d'affermir sa présence, d'avoir l'air consistant, alors il hausse un peu la voix, sans y croire et cela s'entend. Il se précipite et avale ses mots, tel un jeune premier boutonneux qui aurait à faire à la belle actrice une déclaration d'amour et chercherait à se débarrasser de son texte en le balançant à la va-vite, trop conscient de son physique ingrat, de sa faible crédibilité, de son ridicule absolu. On a pitié de lui parfois. On aimerait qu'il se détende un peu, esquisse une grimace qu'on appellerait sourire, par compassion. Or, rien. Un véritable flan. Au navet. À la verveine.
Que nous chante cet artiste ? La même et moite antienne que toujours : la reprise, elle est là ; la crise, elle est derrière nous. Lui-même n'en croit rien. Il nous répète que la crise est derrière nous comme si la chose, en plus d'être avérée, d'avoir été constatée par les meilleurs huissiers du pays, avait un caractère définitif. La crise elle est derrière nous et puis voilà, c'est fait. Plus besoin de revenir là-dessus, c'est bouclé, on verse le dossier aux archives et vogue la galère. Et comme la crise est derrière nous, ben, la reprise elle est là. C'est mathématique, voyez-vous. Pujadas fit observer à l'optimiste qu'il était un peu prématuré de parler de reprise, vu que la croissance pour le dernier trimestre était de zéro. À l'arrêt, ça ne roule pas. Pas besoin de posséder un permis de conduire pour faire ce constat. Qu'à cela ne tienne ! Puisque la crise est derrière nous, et même si la reprise toussote, ça va aller, soyez un peu patient, que diable !
S'il ne ment pas, Hollande prend ses rêves pour des réalités. Naturellement, il aimerait croire en ses propres et lénifiantes paroles. Il ne peut pas dire la vérité aux Français, pas plus qu'il ne peut se mettre à poil devant eux. Le cadavre d'un noyé gît sur la berge ; Hollande se penche et lui souffle à l'oreille que la noyade est derrière lui et que la vie est là. On emporte le noyé. « Encore un de sauvé ! » murmure le fou présidentiel.
La crise n'est pas derrière nous. Nous sommes en plein dedans. La croissance stagne et ne cesse de stagner. Ce qu'ils ne veulent — ou plutôt ne peuvent — pas admettre, nos gouvernants en chocolat au lait, c'est que la crise n'est pas, définitivement, conjoncturelle, mais structurelle. Tant que l'on ne changera pas les règles du jeu monétaire et financier, il n'y aura ni reprise, ni croissance, ni parasol déployé sur la plage, ni baigneuse étendue sous le grand soleil de l'optimisme économique. Et ces règles qu'il faudrait changer, ce n'est pas un minusculissime président français tout couinant qui pourra rien y faire. Ce cocotier-là ne peut pas être secoué par un nain.
Que se passe-t-il dans les faits ? Nos dirigeants veulent croire ou feignent de croire que tout ne va pas si mal, puisque l'indicateur boursier est au beau fixe. Parlons-en, tiens, de la Bourse. On ne le sait que trop, sans le répéter assez souvent, la Bourse et l'économie réelle sont déconnectées. Vous suivez les cours de la Bourse, vous voyez que l'indice monte, et vous voilà rassuré. Tout va bien, la marquise est jolie. Or, s'il est vrai que la Bourse se porte bien, que la tendance haussière se poursuit, on observe depuis pas mal de temps un faible volume d'échanges. Certains spécialistes parlent même d'un volume d'échanges si faible qu'il en est inquiétant. Un si faible volume d'échanges sur une aussi longue période ne peut pas aller de pair avec une hausse constante des valeurs sans qu'il y ait là-dessous du bidonnage.
Constate-t-on quelque-part sous nos latitudes que l'économie se porte bien ? Les entreprises ferment les unes après les autres, le chômage croît, les gens consomment au ralenti, tout le monde se met à craindre jusqu'au soleil. Seul M. Hollande affiche un optimisme « déodatien » (allusion au facteur Déodat, éternel optimiste, figure sympathique de
La jument verte, de Marcel Aymé). Il est ou bien fou, ou bien aveugle, ou bien complice du tant décrié système.
Il se trame des choses qu'on nous cache. La vérité, c'est que rien n'a changé depuis la crise de 2007 et que la finance folle poursuit ses exactions. Plus que jamais, nous sommes sous la menace d'un krach. On nous le promet sanglant à souhait. Il ne sera plus possible cette fois de sauver les banques, parce qu'il y aura trop de banques, trop de grosses banques, à sauver. Nous n'avons plus les moyens de sauver les banques. Elles s'écrouleront les unes après les autres, selon le principe des dominos, et engendreront les dix plaies d'Égypte, augmentées de quelques épouvantes.
L'argent des transactions financières en Bourse est le faux or issu des planches à billets américaines. C'est du vent d'orge, de la poussière de blé. Les valeurs grâce auxquelles prospèrent ceux qui manipulent ce dollar de Monopoly ne sont pas issues de l'économie réelle, mais de l'imagination féconde et diabolique des financiers rapaces. Elles représentent des actifs douteux, des produits dérivés, tout ce qu'on voudra dans le genre toxique, sauf quoi que ce soit de tangible, de palpable. Ces valeurs n'ont pas plus de consistance qu'un fantôme de président français caché sous la crinoline de sa favorite du moment. Quand ceux qui possèdent fictivement ces valeurs fiduciaires réclameront ce qu'elles sont censées représenter, les émetteurs leur remettront du vent, rien d'autre. Je ne sais pas vous, mais moi, si j'avais investi des mille et des cents dans ce type de valeurs (garanties en principe et reposant sur la confiance), et qu'au moment où je prétends toucher les dividendes de mon investissement, la voix caverneuse de mon banquier résonne comme quoi, ben, je peux danser, et que j'apprends en même temps que mon capital, que je voudrais sinon récupérer, a disparu dans les poches trouées des banksters et autres spéculateurs marrons, je vois rouge et je pète un câble, quoi. Car le problème est là : vous confiez vos économies à un banquier de bonne fame, et lui, afin de maximiser son profit via de juteuses commissions, il l'investit, sans vous en informer, dans des actifs à très hauts risques, du genre de ceux décriés ci-dessus, qui ne valent pas plus qu'un clou rouillé de cercueil. Et c'est pourquoi, si vous avez des économies en banque, qu'elles reposent sur un compte dormant ou travaillent en Bourse à votre insu, il vous est conseillé fortement de les récupérer au plus vite, car votre banquier s'amuse avec. Vous regardez votre compte et voyez 10 000. Vous respirez : mon argent est à l'abri. Eh bien non, c'est de l'écriture. Ce que vous voyez est un nombre écrit. Ce qu'il représente n'est pas forcément disponible. Essayez donc un peu, là, soudain, de retirer de votre compte une somme importante, oh, beaucoup plus importante que ça. Ah ben, vous ne pouvez pas. C'est votre argent, et cependant vous n'en disposez pas à votre gré. Vos capacités de retrait sont limitées à un certain montant (qui diminue de mois en mois) et vous ne pouvez plus jongler avec le liquide comme avant. Pourquoi donc ? Parce que cet argent-là, le vôtre pourtant, n'est pas à l'abri dans un coffre bien fermé comme vous l'imaginez, il circule, sert à d'autres. Si les mille clients d'une banque donnée exigeaient soudain de récupérer l'argent qu'ils y ont déposé et dont les montants figurent noir sur blanc sur leurs extraits, eh bien la banque ne pourrait pas faire face, elle ferait faillite, faute de pouvoir rendre à chacun son dû. Dès lors que vous déposez trois sous en banque, ils disparaissent. N'ayez crainte, si vous en avez besoin demain, vous pourrez les retirer. On vous les rendra depuis le compte d'un tiers qui, lui, n'a pas besoin de ses liards. C'est ainsi que ça fonctionne, et ça fonctionne fort bien en temps normal. Les problèmes ne surgissent pas quand M. Durant veut retirer de quoi acheter une babiole à Poupoune, sa chérie. Ils surgissent quand tous les clients d'une banque, ou une majeure partie d'entre eux, veulent en même temps récupérer leurs billes — ce qui arrive en cas de crise ou menace de crise, quand la confiance ne règne plus, à tort ou à raison. Et vous savez ou devriez savoir que les états de la zone euro peuvent désormais saisir l'épargne des Européens pour renflouer les banques faillies si besoin. Cela se fera, si cela doit se faire, pendant votre sommeil et en catimini. Non, l'état ne vous enverra pas une lettre préalable : « Cher Citoyen... blabla... au regret de vous annoncer pour... blabla... la saisie totale de votre épargne... et croyez bien que nous regrettons... blabla... » Le hold-up parfait. C'est possible en principe. C'est prévu. Est-ce que cela arrivera pour autant ? Ça semble trop énorme, vraiment. Ça l'est peut-être. Que cette extrémité ait été envisagée, que l'on ait mis en pratique déjà, partiellement (ballon d'essai !), cette entourloupe (à Chypre), a de quoi faire flipper même les moins nantis d'entre nous, que nous ayons mille, cent ou dix sous en banque. Que cette confiance-là puisse être rompue de la sorte, de la manière la plus brutale, est une déclaration de guerre à la population.
Et le dollar ?
Quid du dollar, cette valeur sûre ? Valeur sûre, le dollar ? Euh... Le dollar, en plus d'être la monnaie d'un pays, les États-Unis, demeure la principale monnaie d'échange des transactions internationales, et pas uniquement sur les marchés financiers. C'est en dollar qu'on règle les factures du pétrole, par exemple. Un Chinois commerçant avec un Péruvien demandera à être rémunéré en dollars, pour la garantie qu'offre cette espèce : la monnaie d'un grand pays, à la robuste économie. Là encore : euh... C'était vrai, ce ne l'est plus. Que voit-on ? Des pays (la Chine, l'Inde...) détenant des dollars (en quantité faramineuse) se dépêchent de s'en débarrasser pour se rabattre sur l'or ou l'argent, valeurs on ne saurait plus tangibles. Les dollars libérés inondent ainsi le marché. Aux États-Unis, l'économie étant bloquée et l'habitude de vivre à crédit ne cessant pas, on nourrit le Léviathan avec des dollars inventés. On crée de l'argent, voilà. Il ne provient d'aucune activité humaine, ne correspond à aucun travail, ne trahit pas, bien au contraire, une quelconque et réelle opulence. Il apparaît soudain, par un simple jeu d'écriture comptable. C'est ce qu'on appelle la planche à billets. C'est une émission de dettes, rien de plus. Si vous achetez de cette dette, c'est que vous avez confiance en l'émetteur (le Trésor américain, en l'occurrence). Jadis, cette création monétaire pure était adossée à des biens de valeur reconnue, comme les métaux précieux. Ce n'est plus le cas. En jardinant, vous trouvez de l'or. Je suis banquier. Vous me confiez votre or et en échange je vous remets un bout de papier où j'ai écrit 10 000. Vous avez entre les mains une valeur scripturale, mais garantie par l'or que vous m'avez confié. Si, demain, pour une raison quelconque, vous voulez récupérer votre or, vous venez me voir et je vous remets votre lingot, en échange du papier où j'ai écrit 10 000 — et je déchire purement et simplement ce dernier, car il ne vaut que pour notre convention. Je suis toujours banquier. Vous venez me trouver, cette fois sans or. Vous avez besoin d'argent, d'une belle somme. Moi, parce que je suis banquier, avec la qualité de mains sales que ma profession suppose, j'ai besoin, pour vivre plus confortablement que je ne vis (je suis déjà très gros, mais je veux jouir davantage de mon obésité), j'ai besoin, dis-je, de votre dette, ou plutôt des intérêts que votre dette me rapporteront. Je vous invente un bout de papier et j'écris dessus 10 000. Il est à vous ! « Woaw ! » dites-vous. En échange, bien sûr, vous me signez un autre bout de papier, où c'est qu'il y a d'écrit que je vous ai prêté autant et que vous vous engagez à me rembourser cette somme avant telle date, par tranches, ponctuellement, augmentée des intérêts, autrement dit de ma rémunération, car c'est un service que je vous rends et il faut bien que je vive, que j'engraisse le cochon. Je caricature à dessein. C'est le principe qu'il faut retenir, et la morale de l'histoire surtout. Vous commencez à me rembourser, jusqu'au jour où... ben, patatras, vous ne pouvez plus : votre patron vous a licencié, vous l'avez jouée façon cigale, etc. Vous venez me trouver, un peu penaud. Vous vous souvenez que j'avais l'air bien gentil et que je dégoulinais de sympathie. À la vente, vous ne trouverez que des camelots aimables et joviaux. À la réclamation, au retour du bidule qui ne va plus et qui devrait, c'est une autre figure que vous allez trouver, avec des angles, des bords tranchants, et infiniment moins de cette rondeur humectée qui vous avait tant séduit ! Donc vous voilà devant moi qui vous ai fait crédit d'une somme importante et vous ne pouvez honorer votre dette. Ce sont des choses qui arrivent et je compatis. Si vous m'aviez confié un bon vieux lingot en échange de mon papier gras avec 10 000 marqué dessus, je me rembourserais en conservant le lingot et je vous libérerais de votre dette en déchirant le papier de notre convention. Vous y perdriez un beau lingot, mais vous rentreriez chez vous tout habillé et libéré d'une dette. Mais il n'y a pas de lingot... Qu'est-ce que je fais, moi, alors, qui ne suis pas une bonne sœur, en dépit de ma sincère compassion ? Je vous saisis ! Je me rembourse sur vos biens que je peux réaliser, jusqu'à l'apurement de
votre dette, intérêts et tous frais compris : matériel hi-fi, voiture, habitation, etc. Vous vouliez de l'argent, du crédit ? Je vous en ai donné. Vous ne pouvez pas honorer votre dette vis-à-vis de moi ? Je sous siphonne. J'ai la trompe qu'il faut pour cela, et la légitimité et le droit. Vous n'êtes rien face à votre créancier, pas plus qu'une larve de taupin sur un océan de lave.
Il y a donc en circulation dans le monde des milliards et des milliards de dollars. Quand il y a, pour dix personnes, deux pains, le pain est un bien précieux, recherché. Quand chacune des dix personnes a son pain, tout le monde est satisfait et rassasié. Quand pour dix personnes il y a mille pains, le pain ne vaut plus rien, sa valeur tombe. C'est aussi simple que ça. Votre pain surnuméraire, vous essayez de le revendre, mais personne n'en veut, puisque tout le monde en possède, de quoi crever dix fois d'aérophagie. Naturellement, vous parviendrez à en écouler quelques-uns. Les gogos ne manquent pas, ni les spéculateurs : à l'abondance succédera le manque, et lorsque ce dernier se fera sentir, la demande en pains sera forte et moi, spéculateur avisé, je serai en mesure de vendre à prix d'or mon pain, qui ne m'a rien coûté ou presque rien au temps de son abondance. Sauf que, voilà, votre pain aura pris le temps de rassir, de moisir, et personne n'en voudra. Vous n'aviez pas acheté du pain, mais du vent.
Le cours du dollar actuellement se maintient à un bon niveau. Ce n'est pas naturel et ça ne peut pas durer. Il n'est maintenu à ce niveau que soutenu par la création monétaire dont je parle plus haut. C'est du vent, de l'air. Ce dollar ne vaut plus rien déjà. Vous me rétorquerez que ce vent, cet air, est tout de même ce qui porte l'avion et lui permet de voler. Non, monsieur. Ce n'est pas le vent ni l'air qui permettent à l'avion de voler : c'est sa propre force, sa dynamique, l'énergie qu'il contient et le savoir-faire, l'expérience de son pilote. Or, précisément, quelle est la dynamique des États-Unis ?
Too big to fail ?
Que va-t-il se passer quand ceux (personnes physiques, institutions) qui détiennent la dette américaine, ne parvenant plus à la refourguer à des gogos — désormais bien instruits, donc méfiants —, réclameront leur dû ? Leur dû, c'est-à-dire les biens réels garantissant le bout de papier à gros zéros qu'ils ont acheté. Que leur donnera-t-on en échange ? Six brouettes pleines à ras bords de dollars, avec quoi ils ne pourront pas même acheter une pochette d'allumettes ? On leur donnera Detroit, ruinée ? On leur donnera des morceaux de Porto Rico, en capilotade ? On leur donnera ce qu'ils ont mérité et qui reste la dernière richesse américaine : du vent, que dalle ! Alors, les mouettes, on va les entendre, et ce ne sera pas joli.
En l'état actuel des choses, à mon avis, le dollar ne peut pas tenir le coup. Et si le dollar s'effondre, les dominos voisins vont tomber en cascade. Ce sera comme un tsunami. On ne peut rien faire pour arrêter un tsunami. On peut le voir venir et s'en protéger. Mais l'empêcher de tout dévaster, impossible. Même Superman dopé aux amphétamines ne pourra rien, ni Barbie, ni Bambi.
Que se passe-t-il quand une entreprise fait faillite ? Elle ferme. Elle cesse de produire, donc d'exister. Le personnel est licencié, parfois reclassé, quand l'entreprise a des filiales. On nomme un curateur, chargé de liquider les actifs de la défunte entreprise (l'outil de travail, l'usine et ses machines) en veillant que les créanciers soient remboursés dans l'ordre de priorité prévu par la loi. Quand les journaux en parlent, c'est en deux lignes : « Trucmuche & Co met la clé sous le paillasson à Tâtemoi-lès-Miches. » Ce sont des choses qui arrivent tous les jours, partout, et ça ne vous concerne pas. Que des familles entières se retrouvent dans la mouise à cause d'emplois perdus et d'emprunts désormais difficilement remboursables, ça vous touche, ouais, si-si, mais moins qu'une élimination brésilienne en bleu. L'homme est ainsi. On se noie dans votre jardin et vous dites : « C'est la vie ! », avant de passer aux choses sérieuses : le foot, Ruquier l'insolent, le décolleté de Nabila, la quéquette à Nestor, qui déforme le devant de son training Adidas.
Quand une ville, une région ou un état est en cessation de paiements, comment ça se passe ? Assez mal. Imaginez : l'Île-de-France n'a plus un rond et personne ne veut ou ne peut lui avancer de quoi rincer même d'eau sale le gosier de ses fonctionnaires. Les salaires ne sont plus versés, le travail s'arrête. Les services publics ne fonctionnent plus. Une sorte de grève, sur la plus grande échelle. Les fonctionnaires, privés de tout revenu, puisent dans leurs maigres économies et se restreignent sur tout. Ne consommant plus, faute d'argent, ils provoquent la faillite du boucher, du boulanger, de l'épicier. Le chaos s'instaure ; du chaos naît l'anarchie ; l'anarchie favorise le pillage et les crimes. La guerre civile éclate, les rivalités ethniques explosent. Le prince est à Varennes, et le bougnat dans les choux ! Vous n'êtes pas encore concerné ? Il vous faut quoi pour l'être enfin ? De la bombe atomique ?
Une telle issue (de faillite de l'économie mondiale, virtuelle pour l'heure, mais plausible) peut-elle être évitée ? Je voudrais bien, mais non. Quand cela arrivera-t-il, puisque je semble sûr de la chute de Carthage ? Demain, la semaine prochaine ou dans un an, deux ans. Ça pue, mais est-ce que ça pue assez fort ? Sait-on comment ça pue vraiment, une civilisation qui s'effondre ?
Mais il existe des solutions ; deux solutions. L'une est vieille comme le monde et la seconde inédite, formidablement, mais très aventureuse. La première solution porte le beau et noble nom de
guerre. Eh oui. La guerre est un puissant remède aux crises économiques majeures. Elle permet de relancer l'économie, surtout la grosse industrie, (l'acier, l'armement, etc.), de mobiliser la population autour d'un projet désirable (la victoire). Elle suscite la fibre patriotique et fédère ; elle exige des sacrifices et en obtient plus qu'elle n'en requiert en général, le citoyen étant plutôt chatouilleux de la cocarde : on lui demande de se battre pour sa patrie-en-danger, il y court, sabre au clair, plume au cul, pour se faire étriper par le premier ahuri d'en face croisé sur son chemin-vers-la-gloire. À la guerre, on meurt. Militaires, miliciens, mamelouks, civils des trois sexes, ornithorynques, vaches, veaux, couvées, tout meurt à la guerre et tout y périt, par milliers — mais ce n'est pas important de mourir quand c'est pour la nation-en-péril. C'est même très bien, ça fait vendre des médailles ensuite, et des linceuls et des cercueils, et des mouchoirs brodés afin que la veuve puisse pleurer l'époux mort-pour-la-patrie, et la mère son unique enfant. La guerre a ce mérite supplémentaire de réguler la démographie, et l'on sait que la démographie galopante est le défi de notre temps. Alors pourquoi se priver de cette arme si belle ?
N'êtes-vous pas frappés, depuis, en gros, la réélection d'Obama (novembre 2012), par la nervosité et l'agressivité surprenantes des États-Unis ? Obama, c'est le grand demi-black distingué et souriant à qui, on ne sait au juste pour quelle geste (au féminin, oui : du latin
res gestæ, les hauts-faits), on a remis le prix Nobel de la Paix, pas même un an après sa première élection à la présidence des États-Unis. Un Gandhi noir ! C'est magique, c'est beau, c'est cool, c'est trop humain ! Ouais. Et ta sœur, elle a pas trop d'humains sales dans sa culotte de zouave ?
Voici un an, les États-Unis prétendirent attaquer la Syrie du pas toujours fort gentil Assad, au prétexte que ce dernier, non content de posséder des armes chimiques, s'en servait contre sa propre population et les rebelles à sa peu aimable politique. On avait, à ces rebelles, fourni des armes. Et si, ma foi, ces rebelles ne montaient pas au front en récitant des poèmes de
Khayyām et de Sully Prudhomme (un ancien de la maison Nobel, quartier littérature), mais dégoisaient au lieu de ça de martiales jérémiades ou le terme « djihad » revenait souvent, tandis que les lames affûtées de leurs
jambiyas tranchaient déjà, allègrement, un col par ici, une gorge par là, une tête complète à l'occasion, que l'on retrouvait le lendemain sur Facebook, en train de rouler toute seule, souillant les murs sinon proprets des internautes occidentaux (généralement sensibles à la vue du sang, mais fascinés parfois) — tout cela, cette bile, ce sang, cette barbarie, n'avait aucune espèce d'importance en regard du crime absolu perpétré par l'infâme Assad : ses armes chimiques, dont il faisait un usage abondant, écrivirent les journalistes, qui savent tout. Protocole de Genève de 1925, prolongé et précisé par la Convention de 1993, entrée en vigueur le 29 avril 1997. Nous eûmes à l'oreille une puce au souvenir de « preuves » plus anciennes, en provenance d'Irak, exhibées à la face sidérée du monde par l'affable et manipulé Colin Powell. Ils nous remettaient le même disque ! Ils avaient besoin, à nouveau, d'une raison de partir en guerre, contre la Syrie cette fois, mais pas tout seuls — alors ils ressortirent des placards de la
White House les petites fioles sombres avec leurs jolies étiquettes manuscrites, où c'est qu'on pouvait lire cette fois :
Chemical weapons from Syria (on devinait, sous
Syria, le mot
Iraq, que l'on avait gratté). En vérité, non, ils ne montrèrent pas leurs fameuses preuves. Ils en avaient, nul ne devait en douter. Sauf que... Hollande, qui n'était rien, se rêva soudain en chef de guerre : « François de Tulle, homme politique et guerrier français, né à... mort à... » Il trépigna tant et plus pour qu'on y aille, en Syrie, faire la guerre, assassiner l'Assad comme son prédécesseur avait assassiné le Kadhafi, de ses propres mains, si menues pourtant. Il en devint tout rouge d'excitation. Il fallut le sucer en urgence dans les couloirs de l'Élysée. J'ignore qui s'y colla, si ce fut une femme ou un homme. L'histoire ne dit pas tout. Ses petits secrets crasseux nous seront révélés plus tard, ou bien jamais. Bref, le gars de Tulle frétillait à l'idée d'en découdre, et s'était mis à la tête des troupes françaises (12 hommes, un chien, un clairon, une gourde), son casque colonial en tête, sous lequel sonnait creux le crâne présidentiel. L'enthousiasme demeurant discret, il menaça de partir tout seul, crânement, à dos de pédalo, son fourniment au grand complet : slip, chaussettes... Poutine, flanqué d'un Chinois silencieux, d'une pichenette expédia de la scène le ciron français et parla de preuves inexistantes. Lui et son compère tout jaune, à l'ONU, mirent leur veto. L'ONU ne parla plus de guerre sous son égide, l'OTAN avait la tête ailleurs, déjà, et l'Américain se tâta deux fois avant de renoncer à la petite guerre qu'il avait promise à sa femme pour son divertissement et prouver qu'il en avait de costaudes et de bronzées dans son falzar. On continua de fournir aux rebelles tout ce dont ils avaient besoin, mais on ne leva pas de troupes contre le vilain Assad. Fort curieusement, pour avoir, par sa diplomatie, évité une guerre, Poutine ne reçut point cette année-là le prix Nobel. Un oubli sûrement, que la digne
et diligente Svenska Akademien réparera sans le moindre doute cet automne...
Alors, et soudain, au printemps, Kiev et l'Ukraine firent parler d'eux à la télé. Autre pays, autre tactique, autre modus operandi, autre bataille — même objectif : la guerre. War, war, war ! eût chanté Ferré. Si vous ne me croyez pas que les États-Unis sont derrière tout cela, comme un chef d'orchestre invisible opérant depuis les coulisses, renseignez-vous. Vous ne trouverez pas l'information dans le Monde, ni dans Libé, pas même dans le Figaro, ou bien à la page 38 du supplément hebdomadaire consacré à la peinture sur soie dans le Haut-Kurdistan. Lui qui, au départ, occupé qu'il était par les J.O. de Sotchi, ne souhaitait rien, Poutine récupéra au passage la Crimée. C'était en mars dernier. Depuis, tout a été fait pour que la Russie entre dans la macabre danse du Donbass, mais Poutine ne bronche pas. On le provoque, on le titille, on l'accable, mais il demeure coi. Il a compris. On veut lui faire jouer un jeu qui n'est pas le sien. Poutine ne joue jamais. Il se contente de gagner. Et cette fois encore il gagnera, sans forcément combattre. Quand les États-Unis et leurs valets européens lâcheront leur créature, le chocolatier Porochenko, probablement déjà cet hiver, Poutine ramassera les débris de la poupée et on saura qui commande, là-bas, à l'Est... On ignore si les Américains, leur dollar en miettes, seront en mesure de protester. Je pense qu'ils auront plus urgent à faire.
J'évoquais plus haut un second remède à la crise, inédit celui-là, d'une folie sans équivalent dans l'histoire, génial peut-être ou foireux déjà. Ce n'est pas moi qui l'envisage, rassurez-vous. Je demeure un saltimbanque. Ce n'est pas moi, du fond de mes provinces boisées, qui vais noyer le bébé dans l'eau de son bain avant de jeter le tout par la fenêtre, mais bien — accrochez-vous — le FMI, en total accord avec tout ce que le monde occidental compte de mondialistes à voile et à vapeur.
Une vidéo surprenante fit son apparition récemment sur Facebook. Elle date de janvier dernier. On peut y voir et entendre Christine Lagarde — en anglais — dans un curieux numéro de... numérologie, autour du chiffre 7, chiffre important pour les kabbalistes. Message occulte ? Que disait-elle là ? Selon les commentaires, elle annonçait, clairement, une date : le 20 juillet 2014. Mais la date de quoi ? Du prochain krach boursier, comme il est suggéré en commentaires ? Depuis quand prévoit-on un krach, au jour près qui plus est ? Cette vidéo, la voici.
La semaine dernière, j'épluchais les dernières vidéos (brillantes) du trader canadien Martin Prescott, du site Money Maker Edge. Il évoquait dans l'une d'elles une prestation de Christine Lagarde — encore elle ! — pour Bloomberg TV, le 31 janvier dernier, à l'occasion du Forum Économique Mondial de Davos. Nul ne semble avoir relevé en Europe cet entretien, où la directrice du FMI évoque à plusieurs reprises la nécessité d'un reset économique ! Voici comment est présenté l'entretien sur le site de Bloomberg TV :
IMF Managing Director Christine Lagarde sits down for a one-on-one conversation with Bloomberg's Francine Lacqua at the World Economic Forum in Davos. During the 30 minute show Lagarde talks about why it's important that we 'Reset' the global economy, the lessons learned from the downturn and the impact of Fed tapering.
Un
reset économique...
En anglais,
to reset signifie « remettre à zéro » ou « réinitialiser ». Une réinitialisation, ce n'est pas exactement la même chose qu'une réforme, laquelle suggère mille discussions, mille résistances, mille accommodements, pour un résultat qui ne léserait personne sans contenter grand monde. Rien ne va plus, le système encroûté crève de sa propre incurie ?
Reset ! Est-ce envisageable sérieusement ? Il me semble que, tout de même, la directrice du FMI n'est pas la première venue, et le délire en direct n'est pas sa spécialité. La
vidéo, si cela vous tente...
Si nous mettons maintenant en relation les deux vidéos, sommes-nous fondés à penser que Christine Lagarde nous annonce un
reset financier pour ce dimanche 20 juillet ? Ça paraît fou, trop énorme pour croire possible un tel Big Bang. Une survenue soudaine de Martiens parmi nous semble à peu près tout aussi envisageable, mais on sait que « certains » osent tout, et que c'est même à ça qu'on les reconnaît. En attendant, moi, je mets mes petites économies à l'abri du système.