20 mai 2012

Ici la guerre : 2 - hégémonie

Pour rappel : Ici la guerre : 1 - prémices

* * *

Ce brave Ivan Petrovitch Pavlov avait un très bon chien. Il a fait des petits :

vous constatez qu'autour de vous la parole raciste et fasciste s'est libérée
Si nous nous mobilisons, c’est parce que cela fait trop longtemps que la parole raciste s’est libérée en France
Les « déra­pa­ges » ver­baux de mem­bres du gou­ver­ne­ment se suc­cè­dent, la droite décom­plexée la plus réac­tion­naire revient aux affai­res
Nous devons com­bat­tre cette bana­li­sa­tion des dis­cours racis­tes, anti­sé­mi­tes, isla­mo­pho­bes, sexis­tes et homo­pho­bes qui encou­ra­gent la haine de l’autre et pous­sent à la vio­lence
Mardi matin se tenait le débat parisien sur l'identité nationale au lycée Louis-le-Grand. Malgré les volontés de poser des cadres, la parole raciste s'est, comme ailleurs, libérée, offrant une tribune inespérée à l'extrême droite
C’est ainsi qu’en toute impunité s’est libérée et se libère à nouveau la parole raciste en France, 70 ans à peine après notre douloureuse histoire pétainiste

Google est à la portée de vos petits doigts frétillants si vous en voulez d'autres.

À gauche, on aime à se faire peur — ou plus exactement on aime à faire peur à l'aide d'épouvantails habillés pour la cause de cet antiracisme dont on peut désormais dire qu'il est un nouveau fascisme, tant il intervient dans tous les domaines pour dénoncer les « phobies » les plus délirantes et obtenir que soient punis ceux qui prétendent parler et débattre, comme il est naturel de le faire en démocratie.

L'antiracisme, on le sait, est une escroquerie politique imaginée par François Machiavel Mitterrand afin de diaboliser la droite. L'antiracisme est devenu un business juteux (le cas de Lilian Thuram). 

Si la parole, quelle que soit cette parole, se libère, c'est donc qu'elle était muselée. Par qui ? Un Carambar a celui qui trouve la bonne réponse. Je ne sache pas que beaucoup de procès en déviance langagière aient été ou soient intentés par Marine Le Pen, Éric Zemmour, Robert Ménard, Riposte Laïque, Christian Vanneste ou d'autres spécialistes de la langue bien pendue, tous fort nauséabonds au regard vigilant de la doxa antiraciste, antifasciste, citoyenne et bien-pensante.

Un type, on ne sait pourquoi, vivait depuis des années dans les égouts. Il en soulève soudain la plaque et arrondit les lèvres pour prononcer quelque chose. Il ne le dira jamais : fond sur lui un bataillon de vigilants casqués, rouleaux de sparadrap au poing. On le bâillonne. On ne sait ce qu'il allait dire, mais il allait le dire. Et ça n'aurait pas senti bon. Par « type vivant depuis des années dans les égouts », vous devez entendre « Français de souche » : un rat, un raciste. 

En dictature, il est toujours excellent que la parole se libère. En démocratie, c'est mal. Les gens y sont trop cons pour faire autre chose que de honteux amalgames. Ils sont incapables de distinguer entre ce qui relève du débat démocratique (les fameuses questions qui fâchent, sur l'immigration, l'islam) et l'insulte gratuite. Parler de l'islam, en parler sous l'aspect des problèmes sociétaux et culturels que sa présence implique ou risque d'impliquer pour des raisons démographiques, c'est du racisme — ni plus ni moins que de traiter de sale bougnoule ou de macaque un Noir qui n'en peut mais. Le procès intenté à Riposte Laïque par la LDH, la LICRA et le MRAP prouve que la « parole libérée » ne vole jamais longtemps ni haut : à peine murmurée, la voici remise au trou. Où la censure prophylactique ne peut s'exercer, la médecine judiciaire dispose de traitements variés et vigoureux pour soigner le patient atteint du syndrome de la liberté d'expression.
 
Ainsi donc la gauche est en France au pouvoir partout ou peu s'en faut, ses dogmes et interdits font la pluie au pays de Voltaire... malgré quoi la parole libérée menace ! Il reste trois loups en France, d'ailleurs apprivoisés, mais on hurle au loup au moindre craquement du plancher ou du buffet hérité de la grand-mère. Comprenne qui pourra.

En vérité, cette prétendue menace d'une « parole qui se libère » est un jeu de claquettes parfaitement orchestré. Il n'a pour dessein, toujours le même, que de diaboliser la droite même la plus fade, de la faire se sentir coupable du seul fait d'exister, de la contenir enfin dans son ghetto schizoïdique. Bien que matée, anesthésiée, surveillée nuit et jour, il importe toutefois que cette droite paraisse menaçante à l'occasion. On l'excite alors, ou bien on s'excite autour d'elle. Claude Guéant, en vantant la supériorité des civilisations qui respectent la vie, les femmes, la liberté et d'autres valeurs assez peu fascisantes, a ainsi déclenché un fort prévisible hourvari d'indignations. Un tel automatisme, une telle unanimité, relève moins de l'émotion véritable que du procédé. Alors que l'ex-ministre de l'Intérieur (il l'était encore à l'époque) n'a jamais proféré là que des évidences (de ces vérités qu'on appelle truismes, si peu contestables qu'il est vain de les énoncer), le voici convaincu de préparer la couche et les oreillers de la Bête Immonde du nazisme, et désigné comme une sorte de Goebbels à lunettes, ce qui est aussi grotesque que de soupçonner François Hollande de stalinisme. Cependant le message est passé, et le public en arrive, sinon à croire, à soupçonner que l'honnête et droit Guéant travaille pour le FN, donc pour Hitler. Plus c'est gros, plus ça passe, comme on dit.

Si, ces dernières années, jusqu'à l'élection de Hollande, la droite a détenu le pouvoir politique, c'est la gauche qui détient le pouvoir culturel, autrement plus puissant. La droite au pouvoir ne fait jamais que ce que la gauche veut bien qu'elle fasse. Cette droite que l'on prétend dominatrice ne domine guère, dans les faits — quand elle est au pouvoir —, que ses propres pieds, et encore, d'une faible hauteur. C'est la gauche qui tient la société et lui dicte ses lois. Si on se représente la vie politique en France sous la forme d'un échiquier autour duquel gauche et droite disputeraient une partie acharnée, on doit savoir que les Blancs et les Noirs sont agis par la seule main du joueur de gauche. Lorsque la droite veut jouer, elle demande quoi faire à son vis-à-vis, l'écoute puis joue, ou laisse carrément ce dernier déplacer les pièces à sa place, moitié flemme, moitié trouille gluante du mauvais coup, du célèbre dérapage.

Depuis une bonne quarantaine d'années (Mai 68, en gros), nous vivons sous le régime culturel hégémonique de la gauche. La gauche a décidé une fois pour toutes qu'elle représentait le Bien et que toute opposition à sa doxa figurait le Mal — le pire que l'on puisse envisager, avec les relents nauséabonds que vous devinez. Si tu es de droite, même la plus modérée, tu n'es pas un type qui pense différemment, et respectable comme tel : tu es un adversaire, un ennemi dangereux, un suppôt du Diable à svastika. À force de stigmatisations, on en arrive ainsi, lorsqu'on est de droite, à avoir honte de soi et à s'excuser d'être. 
 
C'est peu dire que Gramsci a gagné. La guerre de position (ou d'influence) qu'il prônait, préalable à la guerre de mouvement qu'il assignait comme but au marxisme contre le capitalisme, était la condition même de la lutte finale, le théorème parfait de ce parfait corollaire. Nous vivons bel et bien sous l'hégémonie culturelle de la gauche. Si vous en doutez, c'est que vous êtes de gauche, et donc de mauvaise foi, ou bien d'un crétinisme achevé — et je ne peux rien pour vous.

Que Gramsci ait gagné n'induit pas que sa victoire, écrasante, soit définitive. Avec lui, mais contre lui en fait, je pense que nous ne parviendrons à rien par la politique sans engager d'abord, et remporter, la guerre de position — celle des idées, des mots —, condition sine qua non de la reconquête envisagée. 
 
Comment y parvenir ? La contre-propagande, le raisonnement ? Oui et non. Plutôt non, d'ailleurs, que oui. Au petit jeu traditionnel de la dialectique, nous serons perdants à tous les coups. Je ne propose pas de convaincre, d'éduquer (ou de rééduquer) moins encore — mais de frapper. Nous passerons en revue dans le prochain billet quelques-unes des méthodes, toutes joyeuses, que vous pourrez ensuite utiliser au quotidien avez autant d'alacrité que d'efficacité. Vous n'aurez rien à potasser, rien à télécharger.

5 commentaires:

  1. Très bon texte. A la fois juste et concis. Personnellement, je pense que la meilleure manière de mener la lutte est de souligner sans cesse et sur le mode ironique que le roi auto-proclamé est nu.

    Le problème réside aussi dans le fait que la victoire idéologique de la "bien pensance" ne gêne aucunement les maîtres de l'économie, ceux qui gouvernent réellement, et même qu'elle les arrange en ce qu'ils en récoltent les fruits économiques tout en étant à l'abri de ses conséquences sociétales et culturelles.

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  2. Merci Jacques.

    Pour le premier point, vous verrez, ce sera très drôle. Il est possible que j'en fasse deux billets, avec des exemples concrets sur le mode de la représentation théâtrale.

    Pour le second point, vous avez raison. Mais le combat puis la victoire idéologique que j'envisage, à coups de mots dans la gueule (mais sans insultes), n'est que le préalable d'une guerre que j'ai dite "autrement plus saignante" dans mon premier billet (plus saignante, au sens de la brutalité, pas de la violence physique). Il va de soi que la domination du politique (les peuples) sur l'économique (les marchés) fait partie du programme, entre autres mesures phares (dissolution des officines antiracistes, fin des subventions à la presse, aux syndicats, etc.).

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  3. J'attends les billets suivants avec impatience...

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  4. "c'est la gauche qui détient le pouvoir culturel, autrement plus puissant. "
    Oui... La droite arrive parfois à gagner des parties, mais c'est la gauche qui écrit les règles du jeu.

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  5. "c'est la gauche qui détient le pouvoir culturel, autrement plus puissant."
    En effet. La gauche écrit les règles du jeu.
    La travail sur les idées est de longue haleine, mais il finira par payer.

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