9 janv. 2015

Si toi Charlie, moi Joséphine

Quelques réflexions en vrac sur la tuerie de Charlie Hebdo de ce 7 janvier.

Fallait s'y attendre : après le choc, les grands trémolos. Thérapie de groupe d'une certaine France sortie à la Kalachnikov de sa longue anesthésie.

Bouleversant témoignage de Philippe Val, en pleurs, désemparé. Ni risible, ni pathétique. « J'ai perdu tous mes amis... » Le désarroi d'un enfant. Cet homme avait besoin d'être consolé, entouré, et nous pouvons le comprendre. 

Le dessinateur Plantu, le soir à la télé, crut bon devoir ne pas sembler trop ému, lui qui avait aussi perdu des amis, et déroula de longues platitudes bien baveuses avec de gros morceaux de bons sentiments dedans. Nounours m'a tuer, mais ça sert à rien d'en vouloir à tous les nounours qui demandent qu'à nounourser en paix. Ce genre d'âneries.

Jeannette Bougrab, compagne de Charb, l'une des victimes de la tuerie, parut à la télévision le lendemain et mit en branle les grandes orgues : « Tous ces dessinateurs méritent le Panthéon. Ils se sont battus pour des principes et des libertés que l'on a oublié de défendre. Ils sont morts pour que l'on puisse rester libre dans ce pays. » Est-ce l'émotion ou la simple connerie qui s'exprime à travers elle ? Le Panthéon ? Rien de moins ? Si ceux de Charlie méritent le Panthéon pour avoir défendu le feutre à la main les principes et les libertés que, où mettre ceux qui ont défendu ces mêmes principes et libertés avec un fusil, en 14-18, en 40-45, en Afghanistan, au Mali ? Où mettre les dépouilles des policiers et policières morts dans l'exercice de leurs fonctions, puisque le Panthéon sert désormais de cimetière aux pitres et de vitrine nationale aux zozos ?

Ceux de Charlie ne sont absolument pas morts pour avoir défendu la liberté d'expression, et moins encore le droit de rire. On ne les a pas tués parce qu'ils riaient trop fort ou présentaient volontiers le pape en pédophile sodomite ou dessinaient des zizis. ils sont morts pour avoir insulté Allah via des caricatures réitérées. On les a tués pour l'unique raison qu'il avait représenté et caricaturé Mahomet, chose que l'islam ne permet pas. Ils ne peuvent se plaindre d'avoir été abattus par surprise. 

Je lis que nous sommes en France, pays de la liberté, des Droits de l'Homme et du savon de Marseille et que le blasphème n'est pas en France un délit. Je vous arrête tout de suite : ça, c'était vrai avant, dans cette France paraît-il fantasmée, rance, pétainiste, blanche, catholique, hétérosexuelle, où voudraient nous renvoyer les Zemmour, les Camus et autres nostalgiques d'un temps que les moins de trente ans n'ont pu connaître. La France désormais est un grand pays multiculturel, vous nous l'avez assez seriné. L'islam est en France chez lui, nous répètent en boucle les immuables comiques Hollande, Cazeneuve, Valls, Peillon et associés. De sorte que les musulmans, chez eux, sont fondés à ne pas trouver drôle du tout qu'on veuille rire du Prophète au nez et à la barbe de ses fidèles. Et s'ils ont une manière un peu brutale de le faire savoir, c'est leur culture. Une société ouverte, tolérante, multiculturelle, n'a pas à juger comment des invités, désormais chez eux, doivent penser et agir. Et si vous regrettez maintenant d'avoir ouvert grand les portes à des gens peu soucieux des mœurs courtoises à la française, c'est trop tard. Il fallait vous renseigner avant. La littérature regorge de mises en garde contre l'islam et ses difficultés à intégrer les grands idéaux démocratiques. L'islam n'est pas tellement réputé pour sa verve humoristique.

Dans la France rance d'avant, vous pouviez avec vos petits feutres dessiner des Jésus tout nus, des Vierge Marie en bas résilles et des papes en érection au cul des petits garçons : ça choquait les bigots, mais les bigots, malgré leurs déplorables défauts, ne songeaient pas un instant à réagir autrement que par le mépris ou, à l'occasion, par un article plein de fiel dans un journal bien-pensant. C'était le bon temps, n'est-ce pas ? À l'ère bienheureuse du multiculturalisme, il reste possible de tout dire et de tout dessiner, à condition d'en assumer les conséquences. Ceux de Charlie semblaient assumer ce risque. La facture leur tomba dessus et elle était carabinée. Eux qui n'étaient que rires et plaisanteries, sans doute n'ont-ils pas pris au sérieux la menace. Ils se sont crus protégés par les grands principes républicains et la pétoire rouillée de Mickey Cazeneuve. Ils se sont gourés et voilà tout. La France n'est plus ce qu'elle était, et ces cadavres étaient de ceux qui la voulurent autre, de toutes leurs forces. Leur France a fait parlé la poudre. Contre eux. On n'est jamais si bien trahi que par les siens. 

Le 11-Septembre français (Onfray, Zemmour)... Oui, si l'on considère qu'il y aura désormais un avant et un après 7 janvier 2015. Et quel après ?

Je redoute la farce bien plus que la tragédie. La peur va régner un certain temps, comme à chaque fois. Puis les accordéons ressortiront des placards, comme à chaque fois. Ce qui n'empêchera aucunement la France de sombrer chaque jour un peu plus, en raison des guignols et des caves qui la gouvernent et qu'il serait urgent de remplacer.

Solennité caramélisée du blaireau de l'Élysée face aux caméras. Un président « normal », incapable de gouverner quand il ne se passe rien, est assurément le dernier à pouvoir agir quand la France baigne dans le sang. On se demande quel coup de massue il lui faudrait recevoir sur le crâne pour inciter cette médiocrité faite homme à prendre une seule fois dans sa vie une décision virile. Prendre une décision, qui plus est bonne, induit de regarder en face la réalité. Or, la réalité, M. Hollande n'aime pas ça. Ça le perturbe, le pauvre, que la réalité ne s'ajuste pas à ses petits rêves bien jaunâtres de président en caleçon. Il ne fera donc rien, sinon quelques conneries, involontaires, bien sûr. On l'a vu, on l'a entendu. Déclaration d'une solennité bouffonne, voix de canard châtré. Il fallait être grave, comme l'a été Sarkozy ; ou martiale, comme Le Pen l'a été. Il fallait dire les choses et appeler un chat un chat. S'il fallait se fier à la seule intervention de M. Hollande, nul ne saurait en France que la tuerie de la rue Nicolas-Appert a beaucoup à voir avec l'islam et rien avec Zemmour ou Le Pen.

Faut-il craindre de nouveaux attentats ? Qui peut le dire ? Dans les premières heures, sonné comme tout le monde, j'ai pensé : « Ça y est, c'est parti. » Mais à la réflexion, je n'y crois pas. L'attentat contre Charlie Hebdo était contre Charlie Hebdo et en raison des caricatures — pas contre la démocratie, la République ou la liberté d'expression. Que la démocratie, la République ou la liberté d'expression se sentent atteintes, c'est normal, mais cette atteinte est à mettre au compte des dégâts collatéraux. L'objectif visé était Charlie Hebdo et le moins qu'on puisse dire est qu'il a été atteint, sinon anéanti. En dehors de nouvelles provocations et caricatures, pourquoi y aurait-il de nouveaux attentats ? J'en profite pour dire combien je trouve stupide et dangereuse la décision de certains journaux de rediffuser les caricatures de Mahomet. Le taureau a vu rouge. Parce que vous vous croyez les plus forts avec vos dérisoires crayons brandis et vos principes républicains, vous pensez devoir agiter à nouveau la muleta sous le mufle encore ensanglanté de la bête, à vos risques et à nos périls. C'est une erreur, et je formule le vœu que pas un innocent ne paiera de sa vie ces inutiles bravades.

1 commentaire:

  1. Quel dommage que vous n'écriviez pas plus souvent ! Entre la solennité caramélisée et les rêves jaunâtres, notre imbécile national est tellement bien croqué ! Et je ne parle pas de votre analyse de toute cette histoire...
    Encore !

    RépondreSupprimer