24 mars 2012

La France veule

Quoi qu'en disent l'ancien commissaire Broussard (*) et tous ceux qui ont intérêt à se serrer corporativement les coudes, la manière dont ont été menées les opérations pour neutraliser l'assassin de Toulouse et de Montauban relève — sinon de l'incompétence ou de l'amateurisme — d'une dramatique et fort inquiétante méconnaissance de l'ennemi. Comment les responsables d'un tel corps d'élite ont-ils pu se laisser berner par un homme seul, pas le plus intelligent d'entre eux, mais le plus déterminé, le plus fou ?

Des heures durant, Merah leur a fait croire qu'il allait se rendre dans la soirée, pour n'en rien faire. Avec ce fou d'Allah, ils ont négocié à l'aide d'arguments psychologiques de société et d'hommes civilisés. Ils ont donc cru qu'il allait se rendre après avoir un peu vidé son sac, parce qu'il l'avait promis. Avaient-ils à l'esprit ce que ce démon avait fait, ou bien le pensaient-ils redevenu l'aimable et souriant garçon décrit par ailleurs ? Au final, après vingt heures de siège, c'est lui qui a donné l'assaut, obtenant à sa funeste joie ce qu'il cherchait depuis le départ, à mourir en martyr. Amaury de Hauteclocque, le chef du RAID, n'avait jamais vu ça, selon son propre aveu. Jamais vu, soit. Jamais imaginé non plus ? Une telle naïveté est-elle pensable à ce niveau ?

D'un bout à l'autre, Merah a mené le bal. Il ne s'est pas rendu comme promis, mais l'a fait croire, pour mieux se reposer une nuit entière et affronter les hommes du RAID au matin. Ne pouvait-on avec cet intoxiqué du Coran user d'arguments plus épicés, du genre : « On te donne deux heures. Si tu ne t'es pas rendu dans deux heures, on donne l'assaut et ce n'est pas entre les bras des vierges du paradis que tu finiras, mais cousu pour l'éternité dans une carcasse de porc. » Qu'aurait-il dit ou fait alors ? Imaginez pour lui l'horreur d'un tel destin ! Eh bien non : jusqu'au bout, il fallait encore respecter les croyances de l'enragé ! Pas d'attaques ad religionem ! On est très bien élevé dans la police, la courtoisie prime ! 

D'un bout à l'autre de sa sanglante épopée, Merah a donc damé le pion à l'élite de la police française, la faisant passer aux yeux d'un certain public pour une association de bouffons. S'il a fini par rendre les armes et l'âme, il est devenu auprès de certains jeunes le glorieux et héroïque symbole d'une lutte que nous ne comprenons pas, trop bien éduqués que nous sommes, contre les forces d'un ordre qu'ils méprisent à jamais, eux qui ne souhaitent que la jungle et sa loi du plus fort, du plus brutal, une jungle rythmée par les appels aussi lointains qu’irréels du muezzin dans son arbre perché.

Merah, c'est vrai, avait une expérience certaine de la naïveté policière, puisqu'il avait mis dans sa poche déjà tous les agents de la DCRI relativement à ses voyages en Afghanistan et au Pakistan. Ce garçon, dit-on, très surveillé, a pu néanmoins à trois reprises, en dix jours, tuer sept fois. C'est rassurant d'apprendre comment on surveille les chiens enragés dans ce pays ! Peut-être devons-nous considérer qu'il n'a tué que sept fois, que cela eût été pire sans la surveillance attentive dont il faisait l'objet ?

L'avenir nous dira quelle leçon la France des politiques et celle des citoyens aura tiré de cette affaire. Je ne suis pas d'un optimisme flamboyant à cet égard. Déjà, on parle d'un cas isolé, d'une horrible exception. Nul au sommet de l'état ne songe, sinon en paroles — toujours les mêmes — à remettre en question l'islam et ses nuisances dans la société française. Affirmer que l'on veut et que l'on va reconquérir les territoires perdus de la République est une chose, promise d'ailleurs voici cinq ans par un bonhomme qui semblait en avoir dans le pantalon. Cinq ans plus tard, même discours du même bonhomme un peu dégonflé du calbute. On le pensait muni d'une matraque : il n'avait qu'un sifflet. 

Non, Merah n'est pas à lui tout seul une dérive individuelle. Il est le produit d'une certaine culture, d'une certaine religion, d'un certain livre et du laxisme à la française. Ce n'est bien sûr pas la société qui a commis les crimes de Merah, mais d'une certaine manière elle l'a armé. Elle ne l'a pas encouragé, mais elle l'a laissé faire par son aveuglement. Dans un pays qui compte autant de fonctionnaires, comment peut-on, sans être inquiété une seconde, bénéficier du RSA, rouler dans une grosse cylindrée allemande, s'équiper en armes et voyager à sa guise en de si lointaines, qui pis est hostiles contrées ? Tout est donc possible en France ?

Non, puisque Marine Le Pen ne sera pas élue. Le pire, donc, est à craindre pour les prochaines années... Vous qui dansiez le tango, vous danserez la valse.

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